La Société d'Art et d'Histoire de Sarlat et du Périgord Noir

 
BULLETIN n°153 - 2e trimestre 2018
Sommaire des bulletins

        

Des réfugiés espagnols à Sarlat entre 1936 et 1950

 

Dans ce numéro, la Société fait son point annuel, sous la plume de Jean-Jacques Despont, de son activité lors de l’assemblée générale qui s’est tenue au Centre culturel de Terrasson.  

Vers 1860, lorsque Jérôme Magueur était instituteur, l’idée d’une école publique obligatoire pour tous était déjà ancienne. Il fallut cependant attendre longtemps pour que ce projet prenne corps sous l’impulsion de Jules Ferry.  Pourtant, les différents régimes qui se succédèrent tout au long du XIXe siècle avait cherché, sans la trouver, la meilleure formule pour scolariser des millions d’enfants, notamment ceux qui vivaient isolés dans des campagnes profondes, comme c’était le cas en Dordogne. Pour y parvenir, les autorités n’ignoraient p)as qu’il fallait une bonne connaissance du terrain, compétence que seuls les instituteurs avaient. Ils furent donc invités à fournir des mémoires visant à décrire ce qui était en mesure d’améliorer l’enseignement en milieu rural. Les enseignants pensaient pouvoir ainsi parler de leur métier, mais sans douter espéraient-ils aussi recevoir le prix devant revenir aux lauréats et être remarqués par l’inspection académique.

Jérôme Magueur tenta sa chance. Il énuméra ce qui rendait la scolarisation difficile. Selon lui, plusieurs choses étaient à changer : localisation de l’école au centre de la commune, mobilier vétuste et livres en accord avec les programmes, indépendance des instituteurs par rapport aux pouvoirs locaux (curé, maire, notables), salaires trop bas. Le ton utilisé par Magueur, courageux et très imprudent, fut considéré par l’administration comme un esprit inquiet, à éliminer. Il fut muté en Algérie.

 Celui qui connaît les archives cinématographiques de la guerre civile espagnole, a vu ces colonnes de réfugiés où parfois un caméraman parvenait à filmer un visage sans expression, creusé par la fatigue, le regard muet. En réunissant les témoignages des Espagnols qui trouvèrent refuge à Sarlat, Karine Da Cruz donne la parole à ceux qui ne purent parler à l’époque. À Sarlat, le centre d’hébergement se trouvait à la Croix-Rouge, au nord de la ville. Si les internés n’avaient plus à craindre pour leur vie, cette période fut néanmoins très dures ; les rations alimentaires étaient insuffisantes, ce qui fut à l’origine d’une surmortalité pendant l’hiver. Les autorités n’ignoraient rien de cette situation et détournaient simplement le regard. À cela s’ajoutait l’angoisse de ne pas savoir ce qu’étaient devenu tel père disparu dans les combats ou telle mère perdue de vue lors d’un bombardement. Dispersées, ces familles ne se retrouvèrent qu’à grand peine et durent encore affronter la guerre lorsque la France fut occupée par les Nazis. Certaines d’entre elles jouèrent effectivement un rôle considérable dans l’organisation de la Résistance.

 Dans les années 60-90, Henri Mendras était le chef de file de la sociologie rurale française. Il résidait en Périgord, pays où l’on pratiquait une polyculture menacée depuis longtemps par l’agriculture de marché. Il est donc tout à fait probable qu’à travers ses ouvrages, cet intellectuel livre une réflexion en même temps qu’un témoignage sur le déclin d’un monde paysan qui, au cours des siècles, avait construit une civilisation remarquable. Henri Mendras vécut assez vieux pour la voir disparaître entièrement. Il en souffrit car il aimait ce pays : J’aime ce département, écrit-il, combien multiforme dans ses paysages, combien accueillant, les gens ici sont des grands seigneurs de l’hospitalité, j’aime ce département à la profondeur historique inouïe, au patrimoine raffiné, fabuleux, aux toitures extraordinaires.

 

 

La marche pour la Ré́publique espagnole en 1944 à Sarlat, place de la Petite-Rigaudie
(Photo Studio Pierre Louys, coll. particulière)

 

On peut se procurer ce bulletin à la maison de la Presse et à la librairie Majuscule à Sarlat. Il est toujours possible de s’abonner ou de se procurer les anciens numéros en s’adressant au secrétariat de la société : Société d’Art et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir, B.P. 47 24201 Sarlat Cedex.

 

       


 

 

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