Voyage en Périgord
avec Art et Histoire en Périgord Noir
A l’image du beau portrait ornant sa
couverture, le bulletin n° 116 d’Art et Histoire
en Périgord Noir, propose, outre les habituels comptes
rendus de la vie de la société, un très
intéressant article d’Anne-Marie Cocula sur la
vie et l’œuvre de Fénelon.
Né en 1651 au château de Sainte-Mondane, cadet
d’une des plus illustres familles de la noblesse périgourdine,
les Salignac-Fénelon, qui avaient donné depuis
le XIe siècle tant d’officiers civils ou militaires
à la monarchie et tant d’évêques
à l’Eglise – le diocèse de Sarlat
était presque considéré par les Salignac
comme un droit réservé – le jeune homme
est promis très tôt à une carrière
ecclésiastique. Au travers d’un brillant cheminement
historiographique, Anne-Marie Cocula élargit la vision
un peu étroite que l’on a généralement
de cet illustre Périgourdin que l’on cantonne
dans ses rôles éducatifs : l’éducation
des filles, quelle nouveauté ! et l’éducation
d’un prince que l’on prépare au métier
de roi, la duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV. Mme
Cocula nous montre que la personnalité de Fénelon
est riche et multiple. Elle en dégage la complexité
: homme d’Eglise et aristocrate, à la fois mystique
et réaliste, pouvant se montrer doux et docile, le
Cygne de Cambrai, mais aussi terriblement combattif, la lettre
critique de ce prince de l’Eglise au prince de ce monde
est un modèle de courage. Sa théorie du bon
monarque s’inscrit en contrepoint de la politique de
Louis XIV. Elle est avant tout guidée par une idée
force : le pacifisme. La guerre est pour Fénelon le
mal absolu, mais il y a plus, Fénelon s’arraque
aussi à l’administration mise en place par le
roi et l’on devine l’irritation de l’aristocrate
quand on sait que Louis XIV a systématiquement écarté
la noblesse du pouvoir. Pour Fénelon, il n’y
a pas de doute : le bonheur est dans le pré ; bien
plus que l’industrie, c’est l’agriculture
qui peut rendre l’homme heureux. On a pu parler d’une
théorie du regret de l’âge d’or et
d’une volonté de retour en arrière typiquement
réactionnaire au vrai sens du terme.
Fénelon qui décède en 1715, quelques
mois avant le roi Louis XIV, apporte par ses réflexions
sur l’Autorité, la Société, l’Education
et à travers sa sensibilité et sa spiritualité,
des germes qui ont pu enrichir la pensée philosophique
du XVIIIe siècle. Mais ne nous hâtons pas de
faire passer Fénelon pour un précurseur de la
Révolution comme certains seraient tentés de
le faire, il y a très loin des idées aristocratiques
et dévotieuses de cet homme mystique à l’athéisme
forcené ou au déisme froid des hommes de 1793.
Mme Cocula d’ailleurs ne s’y trompe pas, elle
se contente avec bonheur d’intégrer les idéaux
de Fénelon dans ce creuset bouillonnant des idées
des philosophes du XVIIIe siècle que l’on nomme
Lumières.
Francis Guichard nous fait ensuite pérégriner.
Déjà proposé aux lecteurs dans le précédent
bulletin, le voyage d’Edouard Harrisson Baket (1892-1893),
commencé dans la vallée de la Dordogne, se poursuit
à la découverte de la vallée de la Vézère.
Par voie fluviale sur de fragiles embarcations à fond
plat, terrestre en cheminant aux flancs des falaises calcaires
qui sont comme les marchepieds des collines, ou souterraines,
dans des cavernes où il fallait ramper sur nos mains
et nos genoux et, à quelques endroits, nous aplatir
complètement, Baker remonte la vallée de la
Vézère d’Alles à Peyzac-le Moustier,
en passant par tous les lieux aujourd’hui si fréquentés
par les touristes mais peu connus en cette fin du XIXe : Les
Eyzies, La Roque de Tayac, La Madeleine, Tursac et La Roque
Saint-Christophe ; un paradis d’une exceptionnelle richesse
pour les savants chercheurs d’os préhistoriques
et de silex taillés.
Cet Anglais curieux, aventureux et poète à ses
heures, nous livre ses descriptions savoureuses, ses aventures
personnelles, ses rencontres avec des Périgourdins
parfois bizarres mangeurs d’escargots crus – à
défaut d’huîtres – ses considérations
sur les hommes préhistoriques, ses réflexions
sur l’homme d’aujourd’hui et parfais même
son éblouissement devant un coucher de soleil les crépuscules
du Sud qui mettent soudainement et presque sans avertir un
baiser rose sur la rivière…
Alice Legendre propose, quant à elle,
un périple d’une toute autre nature, mais d’un
intérêt majeur : l’exode des musées
français pendant l’Occupation. Elle nous explique
que, dès 1938, un plan d’évacuation des
œuvres d’art des musées du Louvre ou de
Versailles avait été élaboré.
Dans un premier temps, les œuvres sont mises en sécurité,
croit-on, dans les vastes châteaux des bords de Loire,
mais devant l’avance allemande, la plupart des tableaux
sont dirigés plus au sud, notamment dans des châteaux
quercynois. En 1942, les Allemands franchissent la ligne de
démarcation, leurs blindés arrivent dans le
sud. L’exode des tableaux se poursuit d’autant
plus qu’il faut protéger aussi les musées
de Toulouse et de Montauban, les châteaux de la Treyne
et de Montal se révèlent insuffisants. On réquisitionne
alors des châteaux en Dordogne notamment dans notre
Périgord Noir : les châteaux de la Poujade, commune
d’Urval, et de la Bourgonie, commune de Paleyrac ; les
deux domaines appartenant à la famille de Commarque.
Alice Legendre nous fait vivre les mille difficultés
de ce précieux gardiennage qui se poursuivra jusqu’en
1945, le rôle du chef de dépôt, représentant
des musées nationaux, n’était pas de tout
repos, il était à la fois responsable de la
sécurité, du personnel, de l’intendance,
des relations avec les propriétaires et devait aussi
assurer la police dans le groupe. Le récit d’Alice
Legendre est d’autant plus vivant que le gardien du
dépôt de la Bourgonie, à Paleyrac, n’était
autre que son père, Jean Roche.
Le bulletin se clos par un document retrouvé
avec la complicité de Claude Lacombe dans un grenier
de la commune d’Archignac, l’itinéraire
du conseil de révision en Périgord en 1881.
Si vous voulez en savoir plus sur ces études
et sur celles précédemment parues, vous pouvez
consulter le site Internet de la Société en
tapant http://ahspn.free.fr. On peut d’autre part se
procurer des numéros du bulletin en écrivant
au secrétariat de la Société d’Art
et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir,
B.P. 47 – 24201 Sarlat cedex ; ou auprès de la
Maison de la Presse, de la librairie Majuscule ou encore à
L’Orange bleue à Sarlat.
|