La Société d'Art et d'Histoire de Sarlat et du Périgord Noir

 
BULLETIN n°111 -4ème trimestre 2007
Sommaire des bulletins

De la prise de la Bastille aux rives de la Moskova

Outre la rubrique habituelle sur la vie de notre Société et le compte rendu de notre sortie du 22 septembre dernier à Coulonges, inaugurant un nouveau type de découverte : les « après-midi de la Société d’Art et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir », formule de rencontre simple que nous espérons pouvoir poursuivre en 2008, ce bulletin n° 111, 4e trimestre 2007, d’Art et Histoire en Périgord Noir s’honore des passionnants articles proposés par leurs signataires.

Tout d’abord Jean-Baptiste de La Reynie (1759-1807), sans doute aucune parenté avec le célèbre Limousin Nicolas de La Reynie, lieutenant général de police de Paris sous Louis XIV ; mais quel homme ce Jean-Baptiste, et quel parcours ! Il fallait la plume de Brigitte et Gilles Delluc pour évoquer avec une telle fougue et une époustouflante érudition la vie de ce Sarladais promis par son père à la prêtrise, mais qui préfèrera vite troquer la noire soutane de l’abbé contre la belle tenue rouge des officiers allant aider les « insurgents américains ». Il fallait aussi le tumulte de l’époque révolutionnaire pour que ce « héros » ou parfois « anti-héros » plus proche des aventuriers de Lesage que des ambitieux romantiques de Stendhal ne donne sa pleine mesure.
Ecrivain, libelliste, éditeur de brûlots contre la cour et la monarchie, boutefeu lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 (sans doute avec passablement de forfanterie), modérateur et probablement délateur lors de la journée du 20 juin 1792 aux Tuileries, ce personnage est tout à la fois iconoclaste et receleur d’objets sacrés, fouilleur et voleur d’archives, indic à l’occasion. M. l’ex-abbé – mais l’a-t-il été vraiment ? – est saisi par la fièvre de la Révolution et le démon de la débauche : libertin, proxénète à ses heures, il est même accusé de détournement de mineure – mais la mineure en question n’en était sûrement pas à son coup d’essai !
La déclaration de guerre et la proclamation de la Patrie en danger ramènent Jean-Baptiste à des occupations plus dignes d’un honnête homme, il combattra à partir de 1794 sous les ordres de Malo Corret de la Tour d’Auvergne, après un épisode peu glorieux en Vendée. Est-il assagi après le Consulat et l’établissement de l’Empire ? Pas si sûr. Napoléon regroupe ses forces au camp de Boulogne dans l’intention d’envahir l’Angleterre, notre homme publie le Traité des Scaphandres de l’abbé de La Chapelle et propose d’attaquer la « perfide Albion » par surprise avec des commandos de débarquements munis de scaphandres ! Hélas pour ce génial précurseur, l’empereur abandonne son projet et va cueillir des lauriers moins fantaisistes à Austerlitz.
Il surgit de ces époques troublées où, selon l’expression du Montignacois Joseph Joubert, le pauvre n’est pas sûr de sa probité, le riche de sa fortune et l’innocent de sa vie, de biens étranges personnages ; Jean-Baptiste de La Reynie en fut un. Il mourut prématurément en 1807 à l’âge de 48 ans.

Sans quitter la période révolutionnaire, l’article suivant joue sur un tout autre registre, celui de l’émigration. Ils sont en effet nombreux ces gentilshommes périgourdins contraints de s’exiler loin de leur patrie, émigration d’honneur, animés de l’espoir fou de contribuer au rétablissement de l’ordre en France. Beaucoup rentreront en 1801 quand Bonaparte le leur permettra, d’autres tel Jean-Baptiste de Chaunac-Lanzac demeureront à l’étranger et suivront un long parcours de misère.
François d’Orcival, écrivain et journaliste parisien bien connu, renoue pour notre plus grand plaisir avec ses origines périgourdines pour évoquer les aventures de son lointain parent Jean-Baptiste, appelé le « chevalier de Lanzac », né en 1733 à Cénac, officier au régiment de la Fère, Condéen, établi à Bayreuth avec son épouse et ses deux fils : Augustin et Louis. Ils n’ont pour vivre que les modestes ressources que le roi de Prusse accorde aux émigrés français.
Désireux de voir ses fils servir leur patrie, Lanzac écrit en 1803 à Berthier, alors ministre de la Guerre, mais sa lettre reste sans suite et les jeunes gens serviront un temps dans l’armée prussienne, vivant, lors de la bataille d’Iéna, un dramatique face à face avec le IVe corps de Soult.
Après la terrible bataille d’Eylau et le décès de leur père, ces jeunes gens désireux d’accomplir le souhait de ce dernier réintègrent au travers d’un subterfuge et de quelques complicités la Grande Armée en 1810. Il y a quelque chose de pathétique dans les existences brisées de ces jeunes officiers, victimes de leurs engagements et de la politique expansionniste de Napoléon. Incorporés en 1812 dans les rangs des armées de la Confédération du Rhin, Auguste sera tué d’une balle à Borodino sur les rives de la Moskova, tandis que le cadet Louis se perdra dans les étendues glacées d’une « retraite de Russie » où le 35e de ligne, l’ancien régiment d’Aquitaine, sera complètement anéanti. Cette belle évocation, étoffée de documents, extraits d’archives de famille, ne peut laisser personne insensible.

Bien des lecteurs seront intéressés par le dernier article de notre Bulletin car il évoquera pour eux des souvenirs d’enfance. « La vie dans l’entre-deux-guerres à Saint-Aubin-de-Nabirat », témoignages vivants d’un passé récent, mais pas seulement. En faisant revivre la vie rurale des années 1930-1940, l’auteur écrit tout simplement la vie quotidienne des paysans périgourdins depuis toujours. Cette vie, elle n’avait pas changé malgré les révolutions, les régimes successifs et les événements de la grande Histoire. Elle se parlait en patois, elle s’inscrivait dans les travaux de la terre dont chaque parcelle avait son toponyme, elle s’inscrivait entre les murs de ses simples demeures de pierres couvertes de lauze n’ayant le plus souvent qu’une seule pièce à l’étage où l’on accédait par un escalier extérieur. Sous la pièce d’habitation, une cave servant de cellier et abritant quelques bêtes, au-dessus un grenier pour stocker les grains et le fourrage, accolés à la maison quelques étroits bâtiments utilitaires comme l’étable à cochons et celui abritant la « bacade ».
Vous apprendrez que cette société était structurée, besogneuse et conviviale, les familles nombreuses intégraient les grands-parents toujours prêts à se rendre utiles (retraite et assistance sociale n’existant pas). Dans l’unique pièce à vivre, nous retrouverons inchangés tous les meubles et objets énoncés dans les inventaires des siècles passés : les lits à courtines occupant les angles de la pièce, les paillasses de maïs trouées d’ouverture pour passer les bras et permettre le brassage de ce matelas végétal, les couettes de duvet, la cheminée où l’on mettra plus tard une petite cuisinière sur pieds, en fonte, l’évier de pierre dans l’épaisseur du mur, la « couade » à longue tubulure posée sur la « payrolle » permettant de se laver les mains et, accroché aux poutres du plafond, le « râtelier à pains ».
René Lacombe nous ouvrira la porte de ce passé hors d’âge avec une clé « torte » et si vous ne savez pas ce que c’est, il vous l’expliquera dans la deuxième partie de ce récit vivant et personnel qui paraîtra dans le prochain bulletin. Mais n’essayez pas de fermer votre porte avec une clé « torte », vous aurez beaucoup de mal à l’ouvrir !

Si vous voulez en savoir plus sur ces études et sur celles précédemment parues, vous pouvez consulter le site Internet de la Société en tapant http://ahspn.free.fr On peut d’autre part se procurer des numéros du bulletin en écrivant au secrétariat de la Société d’Art et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir, B.P. 47 – 24201 Sarlat cedex ; ou auprès de l’Office du tourisme, de la Maison de la Presse, de la librairie Majuscule ou encore à L’Orange bleue à Sarlat.

 

© 2020 SAHSPN