La Société d'Art et d'Histoire de Sarlat et du Périgord Noir

 
BULLETIN n°107 -4ème trimestre 2006
Sommaire des bulletins

« Le bonheur est simple ! »

La couverture du n° 107 d’Art et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir montre à son lecteur comment une petite ville peut devenir fière de l’érudition et de la curiosité de l’une de ses citoyennes. Un article d’Odile Delenda (Wildenstein Institute, Paris) nous rappelle ainsi que c’est à Paulette Delteil que l’on doit la (re)découverte d’un tableau inédit, réalisé par Juan Sánchez Cotán au XVIIe siècle, La mort de saint Bruno, dans l’église Saint-Pierre-aux-liens de Montignac-sur-Vézère. Odile Delenda écrit l’histoire de ce tableau de maître, depuis sa confection par un frère espagnol né à Orgaz en 1561, qui vécut ses dernières heures à la Chartreuse de Grenade, aimé de tous et considéré comme un saint ; il fut d’ailleurs le premier à aborder la vie de saint Bruno et à représenter l’histoire de son ordre. Mais l’auteur nous fait aussi revivre la vie d’un tableau dont on avait perdu la trace depuis la Monarchie de Juillet, durant laquelle on pouvait encore l’admirer dans la galerie du richissime banquier Aguado, grande figure parisienne du XIXe siècle. L’occasion, enfin, de rendre hommage à l’œuvre d’un maître du Siècle d’Or espagnol.

La tranquillité des âmes n’était cependant pas le fait du bon peuple du Périgord pendant les dernières années du XVIIe siècle. La troisième partie de l’étude de Philippe Rougier sur les famines en Périgord à la fin du règne du Roi Soleil montre qu’à la famine annoncée avait répondu une lueur d’espoir. Mais c’était sans compter avec l’individualisme des populations, dont l’ampleur a dépassé la conscience de l’intérêt commun.
Tombé dans l’oubli pendant trois siècles, le secret du pain de racine du Dr Rétis vous est révélé par Véronique et Michel Guignard, ethnobotanistes du Périgord Noir.
Tout commence en 1699, quand, devant la famine menaçant le royaume, le
Contrôleur Général des Finances Pontchartrain dépêche en Périgord, Auvergne et Limousin un certain Gilbert Rétis, natif de la Bresse et docteur en médecine de son état. Alors que le grain venait à manquer, il avait découvert une racine sauvage pouvant servir à faire du pain.

Mais encore fallait-il que cette racine fût en quantité suffisante. Quittant Paris le 10 mai, le bon docteur Rétis arrive à Angoulême le 19 et rejoint
Limoges le 27. Le 1er juin, il n’obtient pas plus de succès sur les coteaux et dans la plaine de Brive. La nature est plus généreuse le long de la Vézère, puis à Bonneval et Périgueux. Bref, la déception consécutive au voyage, associée au secret dont on entendait entourer l’identité de la précieuse racine, fit que le pain du Dr Rétis demeura longtemps un de ces mystères dont l’Histoire est friante. Jusqu’à aujourd’hui.
Véronique et Michel Guignard, appuyés sur des ouvrages d’ethnobotanique
et sur des expérimentations, ont découvert l’identité de cette racine. Elle est révélée au lecteur du
bulletin, qui pourra d’ailleurs suivre avec intérêt le mode de préparation du pain de racine : une idée savoureuse en ces périodes de fêtes. Que ceux qui s’entendent en botanique notent que ladite racine est agréable au goût, nourrissante, disponible pendant une grande partie de l’année, qu’elle résiste aux intempéries et s’adapte à tous types de sols.

Bonne chance, bonne chasse et bon appétit.

« Si par hasard ou nécessité il vous arrive de longer la rive droite de la Dordogne en suivant le GR 36/34 vers Capette, entre Allas-Les Mines et Le
Garrit, vos yeux pourront sans doute se porter vers un petit aqueduc qui enjambe le cours d’un petit ruisseau dont la source ne se trouve pas très loin, à Font-Chaude précisément, et que cet ouvrage franchit, juste avant que ce minuscule affluent ne se jette dans la rivière ». Ainsi commence la fresque d’un siècle que consacre Roger Vidal au bassin d’industrie cimentière de Saint- Cyprien. Aujourd’hui, aqueducs, hangars, carcasses de fours, rails sont autant de vestiges d’une activité qui, avec l’arrivée du chemin de fer en 1882, assura la prospérité du canton. Dans cette petite ville enclavée qui recensa à son heure de gloire 2 500 habitants (elle en compte 1 522 aujourd’hui), ce fut un siècle de passions industrielles et sociales, de la querelle ferroviaire sur le tracé de la ligne de chemin de fer et sur l’emplacement de la gare, au mouvement de grève du 13 avril 1900, quand de longs pourparlers permirent d’obtenir « une augmentation générale et uniforme de 2 centimes par heure ».
On suivra avec le même intérêt l’expression des talents locaux, qui fit du
« toueur » le secret de la compétitivité, et le dévouement des ouvriers, qui, à l’image de Pipette, le premier conducteur du petit train, firent au quotidien le succès de cette saga industrielle.

Et, parce que c’est par le passé que le présent s’éclaire, on retrouve dans des extraits d’un manuscrit du 12 mars 1950 sur la commune de Daglan
des témoignages d’une belle fraîcheur et d’une étrange modernité. C’est à trois jeunes filles en fleur que nous devons ces notes cinquantenaires sur le village et ses coutumes. On y apprend que jadis le village comptait huit moulins, deux filatures et une papeterie. On y suit les divertissements locaux, de la période des bals aux jeux des neufs quilles.

On y goûte les crêpes de la Chandeleur, l’omelette au lard du lundi de Pâques, les tostes (sic) de la Quasimodo et le si populaire massepain. Et l’on y perçoit déjà les signes d’une préoccupante évolution : « Des villages entiers, comptant il y a 50 ans, 15 feux, ne sont aujourd’hui que ruines gagnées par les ronces. Curieux paradoxe : le bien-être n’engendre-t-il pas la peur de vivre ?» Reste que le paysan du Périgord connaît l’hospitalité, « et si d’aventure vous vous asseyez à sa vieille table de famille, il ne manquera pas de vous offrir le délicieux pâté de foie gras truffé. Le bonheur est simple ! »

Si vous voulez en savoir plus sur ces études, on peut se procurer des numéros du bulletin en écrivant au secrétariat de la Société d’Art et d’Histoire de Sarlat et du Périgord Noir, B.P. 47, 24201 Sarlat Cedex. Des numéros sont également disponibles dans les librairies sarladaises : Majuscule, Maison de la Presse et l’Orange bleue.


SYLVAIN GAILLAUD

 

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